Souvenirs d'une famille touchée par la guerre
Témoignage de Madame Delion
Ce que j'ai vécu
C’était la guerre, ce devait être la der des ders, comme disaient les gens de cette époque et surtout malheureux soldats, qui pourtant courageusement partaient défendre la Patrie. Cela parce qu’un Serbe avait assassiné un archiduc Autrichien, l’Autriche alliée à l’Allemagne a déclaré la guerre à l’Angleterre et à la France son alliée.
Cela, je l’ai appris à l’école communale. Malgré tout il y avait, à ce moment une nouvelle guerre avec l’Allemagne qui avait envahi notre pays en passant par la Belgique faisant fi de la ligne Maginot, réputée imprenable et de nouveau les hommes étaient partis, beaucoup prisonniers durant 5 ans. Nous ne parlions que de ça. De nombreux élèves, mes camarades avaient leurs pères prisonniers.
De 1939 à 1945, la France envahie par les allemands, partagée en deux; ma famille et moi étions dans la zone occupée et durant ces années le 11 novembre, l’Armistice de la première guerre mondiale n’était plus célébrée. Le 11 novembre 1945, j’avais 8 ans. L’institutrice, après nous avoir appris un poème, nous conduisait pour la première fois au Monument aux morts de 1914-1918 situé dans le cimetière communal. Nous avions suivi le défilé des habitants, accompagnés des pompiers, clairons et tambours. Notre village comptait 280 personnes et sur ce monument étaient inscrits 20 noms. Chacun était «appelé» par le Maire, suivi d’un «Mort pour la France» de l’adjoint. Nous, les enfants, après notre poème et la sonnerie «aux Morts», avons tous déposé des bouquets de fleurs. C’était impressionnant et cela se renouvelle chaque année depuis…
Ce qui m'a été conté
Voilà ce que j’ai vécu. Mais le temps de cette horrible guerre de 1914 m’a été racontée par mes parents et c’était atroce. Mon grand-père, lui aussi mobilisé, avait deux frères : Hippolyte, qui a perdu un fils Lucien, tué au tout début des combats et un autre fils Fernand. Quand je l’ai rencontré la première fois j’avais 4 ans, à l’exode il était passé par chez nous, à pied avec sa femme Yvonne et sa chienne Mireille. Ils ne savaient pas que maman m’avait prise à l’écart pour me dire : «n’aie pas peur, embrasse parrain Fernand mais surtout ne dis rien». En effet, le pauvre avait eu la moitié du visage emporté par un obus, il était «réparé», avait un œil de verre mais il faisait partie des fameuses gueules cassées.
Plus tard, j’ai appris qu’il était resté un jour et une nuit, blessé dans son trou d’obus avant d’être secouru. Un allemand avait eu pitié de lui et avait voulu l’achever. Le hasard a voulu que
la balle traverse sa mâchoire, défigurant ainsi l’autre côté de son visage. Ce n’était pas son heure et il est resté vivant. Voilà pour deux neveux de mon grand-père qui lui avait été blessé mais
pas trop grièvement.
Son autre frère, Emile, a perdu ses deux garçons: Eugène et Jules. Eugène était marié et père de deux petits hommes également : Pierre et Jacques. La guerre a bouleversé bien des destins. L’oncle
Emile n’a pas survécu mais soigné avec dévouement par sa belle-fille, Lucienne qui a toujours pleuré son mari Eugène. Bien des années plus tard, seule avec ses deux enfants, elle s’est remarié
avec un brave homme Marius, malgré tout elle n’oublia jamais son premier époux.
L’autre fils, Jules, était fiancé à une sœur de ma grand-mère. Ma tante non plus ne l’a pas oublié. Elle s’est marié 3 ou 4 ans plus tard avec un forgeron et je sais, moi qui l’ai bien connue,
qu’elle n’a jamais été heureuse. L’autre sœur de ma grand-mère a vu mourir son mari. Il était revenu mais tuberculeux après avoir été gazé. Elle ne s’est jamais remariée.
Quant à ma grand-mère, seule dans sa petite exploitation, elle effectuait des travaux d’hommes avec un cheval presque dangereux. Elle a tenu toute la guerre, mon père avait 9 ans en 1914.
Voilà entres autres ce que j’ai retenu de cette guerre, d’atroces souvenirs familiaux qui révèlent bien l’horreur subie par ces pauvres hommes, notamment dans des tranchées creusées dans la
terre, couverts de boue et affreusement de poux. On m’a dit que pour les faire tenir, ils étaient dopés avec du bromure dans leur boisson et aussi de l’alcool. Ils partaient se faire tuer presque
joyeusement. Atroce !!
Mais des guerres il y en a encore eu, en Algérie, en Indochine, et encore maintenant dans le monde. Où allons nous ? Les années passent mais aujourd’hui encore l’horreur continue ailleurs. Pourtant, les combats sont terribles et les séquelles lourdes pour les soldats comme pour leur entourage.
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